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Channel: Voyages – Garance Doré
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Editor’s Letter #14

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Peut-on être partout à la fois ?

Bonjour depuis le Boeing 757 qui va s’envoler dans quelques minutes de Miami pour nous emmener à Dallas. Ça fait presque un mois que je suis en tournée, et j’ai l’impression de vivre dans une espèce de doux flottement.

Franchement, c’est absolument merveilleux d’aller à la rencontre de mes lecteurs. Le plus possible, même quand les queues sont longues, j’essaye de passer un peu de temps avec chacun et je rencontre des gens incroyables, talentueux, intelligents, stylés, drôles.

Après chaque séance de dédicace, je rentre à mon hôtel avec des étoiles dans les yeux.

Ouais, bon, c’est aussi parce que je viens de passer trois heures à entendre que j’étais absolument géniale et sublimement belle en vrai (merci c’est gentil et vous aussi) et que mon ego éclaterait celui de Kanye s’ils décidaient de faire un bras de fer.

Mais aussi vraiment parce que je suis très impressionnée par vous, et que je trouve qu’il était temps que je me déplace pour vous rencontrer. Ça donne un côté réel, tangible, et vraiment émouvant à ce que l’on vit ensemble derrière nos écrans depuis des années.

Débarquer à Miami au milieu de tout ça, ça a été comme une parenthèse sociale étonnante, où soudain je reprenais contact avec mes copains de la mode, avec mes copains de la night, avec mes copains de la jet set mondiale qui s’étaient donné rendez-vous sous le soleil (oui non, c’est complètement ironique, il a plu des cordes pendant tout le week-end) pour voir un peu d’art et faire énormément la fête, comme tous les ans.

Le tout s’est superposé à l’insondable sentiment de flottement que j’ai à chaque fois que je suis sur la route. Mon mec me manque, mon appart me manque, mon équipe me manque, le chien que j’aimerais avoir me manque (?), mes e-mails s’accumulent, et dans mes moments libres, j’ai envie de ne rien faire du tout.

Et voilà comment j’ai passé trois jours à Miami en pleine JOMO.

Joy of Missing Out, vous connaissez? L’exact contraire de la FOMO (Fear Of Missing Out), où l’on regarde la vie des autres sur Instagram et on se demande pourquoi nous aussi, on n’est pas à cette fête démente avec ces gens déments et où l’on a soudain l’impression que notre vie ne mérite pas d’être vécue.

A Miami, c’était Art Basel, des millions de vernissages et de soirées se faisaient concurrence les unes aux autres, et moi je n’avais qu’une envie, bosser, me coucher tôt et aller courir sur la plage. Pas une seconde je n’ai eu envie de savoir quelle fête j’étais en train de manquer.

C’est peut être enfin l’effet inversé d’Instagram et de Snapchat. A force de voir les évènements se dérouler sur nos feeds, on n’a plus vraiment l’impression d’avoir besoin d’y être, ou que l’on pourrait ajouter quoi que ce soit d’intéressant à l’histoire, ou même la couvrir d’une manière percutante. Alors bien sûr, il y a toujours cette idée de se frotter de près ou de loin à une célébrité, de networker ou de parader sa nouvelle frange (ahahah, suivez mon regard) – mais tout ça aujourd’hui se fait autant online que dans la vraie vie.

Et pourtant, être là où il faut être, et être constamment entre deux avions, ça a nourri mon blog pendant des années. Ça a nourri mes récits, m’a donné plein d’histoires à raconter (parfois tragi-comiques d’ailleurs) et plein de gens à rencontrer, plein de rêves à vivre et ça été une source d’inspiration infinie.

Mais un beau jour, j’ai eu envie de freiner. A cette époque, j’étais encore avec Scott et lui voulait au contraire voyager de plus en plus, et on avait bien senti que ce serait un problème. Lui voulait courir le monde, et moi, j’avais envie de me faire des amis, des vrais, pas des #bff d’entre deux fashion weeks, et de me faire une maison, une vraie, pas une espèce d’espace où l’on vient laver du linge avant de repartir de plus belle. J’avais l’impression qu’autant de voyages, autant de présence tout le temps, c’était une fuite en avant qui me faisait perdre pied avec mon réel.

Quant aux événements, défilés, fêtes, ils sont devenus un peu moins passionnants du moment où j’ai été une insider. Quand tout marche comme du papier à musique et qu’on n’est plus vraiment dans la découverte, ça fait vachement moins d’histoires à raconter…!

J’y pense souvent quand je regarde les vies de mes copains insta-stars. Voyager pour créer du contenu, c’est merveilleux. Les images vous enivrent tellement elles sont nombreuses. Vos followers s’extasient sur votre vie de rêve, vos tenues si parfaitement adaptées et votre teint toujours frais, malgré les 23 heures de vol que vous venez d’encaisser. Ils savent bien que tout ça c’est un peu trafiqué, mais quand même ils adorent, et les like explosent quand on est sur une plage qui ressemble à un fond d’écran ou dans une villa sublime pour un défilé à la beauté irréelle. Ça fait rêver tout le monde, moi comprise.

J’ai beaucoup de copines qui sont présentes partout, à chaque voyage de presse, à chaque fête, à chaque événement, avec une consistance et un sourire même pas voilé que je ne peux qu’admirer.

Moi l’année dernière, j’ai écrit mon livre, et je peux vous dire que je n’ai pas vu grand chose d’autre que mon salon, que je portais à peu près la même tenue tous les jours, et qu’une fois que j’ai eu Instagrammé trois fois mon café du coin, ben c’était la mort du média social, quoi. Ouais, mais c’était passionnant. La routine est un bonheur dont on ne parle pas assez, et les
voyages intérieurs des horizons peu partagés dans ce monde ou tout est visuel.

Et puis, non seulement j’abattais la montagne qu’est la création d’un livre, mais en même temps, je tombais amoureuse (et dieu sait que les hommes sont un continent à eux tout seuls). L’année dernière, j’ai enfin découvert (donc) mon café du coin, j’ai enfin pris le temps de cuisiner, et je me suis fait des amies que j’adore. J’ai eu des week-ends entiers à ma disposition, j’ai lu, j’ai décoré mon appart, j’ai pris le temps de rêver, j’ai pris beaucoup de recul sur ma vie de blogueuse, j’ai changé.

On a enfin pu faire évoluer le ton du blog, se lancer de nouveaux défis, se poser de vraies questions sur notre angle et notre vision – est-ce que notre propos est d’être de toutes les fêtes ou de se concentrer sur les choses qui nous inspirent et nous font vibrer ?
Vraiment, c’était bien.

Il y a des gens qui aiment passer leur vie à voyager. Il y a des gens qui aiment être tout le temps là où ça se passe, dans le mouvement, dans le mix. Il y en a qui, par leur travail, changent de ville et de vie tous les trois ans et qui adorent ça. Il y en a qui sont très heureux avec quelques escapades par an. Certains aiment retourner, chaque année, au même endroit.
Et il y a ceux qui n’aiment rien de plus que leur maison, mais qui n’osent pas trop le dire, parce que l’idéal ambiant, c’est quand même le passeport bourré de stickers et un profil social entre deux fêtes et trois avions.

Moi, j’aime toujours autant voyager. J’aime toujours autant faire la fête, rencontrer des gens. Et plus que jamais, je cherche à être inspirée. Mais j’ai aussi, et enfin, été gagnée par la Joy Of Missing Out.

J’ai enfin compris qu’on ne peut pas être aux quatre coins du monde et être complètement présent. Qu’on ne peut pas être là où tout le monde est et rester surprenant. Qu’on ne peut pas écumer les fêtes où il faut être et se coller aux gens qu’il faut connaître sans perdre une part de soi. Et que comme dans Mean Girls, que j’ai re-regardé hier au lieu d’aller à une fête et qui est vraiment un film génial, on ne peut pas faire semblant d’en être… Sans en devenir un tout petit peu.

Alors vive la Jomo, vive l’équilibre, et vive la joie de cultiver des vies et des points de vues bien à nous. Et de prendre part, quand ça fait sens.

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Merci à The Standard Hotel, East Village et The Bowery Hotel.


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